Malgré « la pression croissante des intervenants externes », le gouvernement canadien « n’a pas l’intention » d’élargir la disponibilité des programmes d’immigrants investisseurs qui ne nécessitent qu’un investissement passif.
C’est la conclusion d’un mémorandum de 2021 récemment déclassifié adressé au ministre canadien de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. Le document a été classé secret et n’a été publié que dernièrement en vertu des lois sur l’accès à l’information, bien qu’avec d’importantes censures.
Ces programmes, dont les participants sont souvent qualifiés d’« acheteurs de passeports », permettent aux candidats à l’immigration d’éviter les files d’attente via un investissement important dans leur nouveau pays d’accueil. Mais le document relève que ces programmes ont tendance à avoir de faibles taux de réussite et souffrent d’importants problèmes associés.
« Le ministère n’est dans l’ensemble pas favorable aux voies d’investissement passif », lit-on dans le mémorandum, « étant donné les défis associés à ces programmes et le manque d’avantages économiques à long terme… IRCC [Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada] continuera d’affirmer que les programmes d’investissements passifs n’ont pas été couronnés de succès et n’a pas l’intention d’en mettre d’autres en place aux niveaux fédéral ou provincial. »
Fortement censuré, le mémo donne malgré tout un aperçu unique des priorités politiques de la capitale nationale. La réticence du gouvernement s’inscrit dans une tendance mondiale générale qui a vu les programmes d’investissements passifs tomber en désuétude — bien que les versions hybrides (qui incluent une dimension de capital-investissement) se multiplient, comme on l’a vu avec le programme EB-5 aux États-Unis et le programme Golden Resident Visa au Portugal (cependant, ce programme devrait fermer dans l’année à venir).
Comme le note le document, le Québec est la seule juridiction au Canada qui maintient une voie d’investissement passif vers la citoyenneté. Le programme permet aux investisseurs d’obtenir la résidence permanente au Canada grâce à un investissement de 1,2 million de dollars dans un investissement prescrit (garanti par le gouvernement).
De tels programmes sont explicitement interdits par le Règlement fédéral sur l’immigration et la protection des réfugiés, mais aux termes de l’Accord Canada-Québec, la province demeure seule responsable de la sélection des immigrants économiques destinés au Québec et peut établir ses propres paramètres pour les programmes économiques, y compris par la voie de l’investissement.
Selon le document, le gouvernement du Québec a identifié trois principales préoccupations liées à son programme d’investissement passif : les faibles taux de rétention (seulement 16% parmi les investisseurs sélectionnés entre 2008 et 2017), le manque de maîtrise de la langue française (uniquement 5% des candidats étaient français ou avaient le « niveau de français requis ») et des préoccupations concernant « l’intégrité du programme ».
Des inquiétudes quant au programme québécois font surface périodiquement dans les médias, ajoute le mémorandum, y compris « des plaintes au sujet de la tendance des résidents permanents sélectionnés dans le cadre de ce programme à s’installer dans des provinces autres que le Québec ».
Ces préoccupations semblent faire écho à celles du gouvernement fédéral, qui a annulé le Programme fédéral d’immigration des investisseurs similaire en 2014. Le document note que les programmes d’investissements passifs produisent de « mauvais résultats économiques à long terme » et ont entraîné des « problèmes d’intégrité du programme » et une « perception publique de l’achat de passeports ».
Le mémorandum note qu’il existe des « preuves limitées » concernant des programmes d’investissement passifs couronnés de succès à l’échelle mondiale, et le département a choisi de se concentrer plutôt sur « des initiatives qui attirent des talents mondiaux et favorisent l’innovation ».
Il n’y a clairement aucune intention dans les couloirs du pouvoir du Canada de rétablir toute forme de programme d’investissements passifs, malgré le lobbying persistant des parties prenantes.